Hypertextuel

€14.00

Hypertextuel
Auteur : Eric Neirynck
Editions Lamiroy
Parution : 5 mai 2022
ISBN : 978-2-87595-692-7   
124 pages
Prix : 14 €

Court, trop court. Beaucoup me l'ont reproché. Des hommes, des femmes. À chaque fois la même chanson. Pas mal, mais un peu court. Plus long ça aurait été mieux. Que n'ai-je pas entendu comme commentaires sur la longueur ? Comme si c'était ça le plus important, le Graal, cette fameuse taille.

Oh il y en a bien qui s'en sont satisfaits, parfois même j'ai reçu des félicitations. Heureusement, me direz-vous !
Je me suis bien renseigné, j'ai essayé d’être plus long… mais malgré ma volonté je n'y suis jamais arrivé. Certains m’ont donné des techniques d'allongement, mais ça m'a vite fait chier et je n'ai pas persévéré.
Je reste donc avec mes textes courts, mes petits romans ou mes grandes nouvelles et c'est à prendre ou à laisser.
Voilà.


Né il y un demi-siècle, ayant grandi à Bruxelles, rien ne prédestinait Eric Neirynck à l’écriture quand il est tombé dedans il y a plus de dix ans par la faute d’un jeune éditeur français. Ses deux derniers livres, J’ai un projet, devenir fou (Lamiroy) et Ma folie ordinaire (La boîte à Pandore), ont été fauchés dès leur sortie par la pandémie. Il publie ce nouvel opus alors que la Russie vient d’envahir l’Ukraine... Inconscience ? Fatalisme ? Folie ? à vous de le lire !

L’auteur belge le plus poissard que je connaisse !
Michel Dufranne

Eric Neirynck écrit comme il respire, il est de cette sorte. Rien ne l’arrête. Chaque jour, comme ses mentors, accroché à la machine, galérien du verbe, il pousse les mots, à tenter de les faire vivre et twister, bousculer la vie, chercher quelque chose de mieux. Est-ce cela un écrivain ? Je dis oui, je dis qu’il y a chez ce gars la sève du meilleur, et je dis aussi que personne ne me donne autant envie de baiser que lui, quand il écrit avec la grâce de l’élégance les corps qui se mêlent et l’infinie indécence. Sa folie est la nôtre. Vous savez. Lisez, vous comprendrez.
Sandrine Belehradek
13e Note Éditions
(Directrice littéraire de Dan Fante, Mark SaFranko...)

Enfer, deuxième porte à droite

Éric Neirynck publie coup sur coup des recueils de nouvelles, des récits,  des courts romans dont l’épicentre correspond à un irréversible processus d’ensablement, d’étouffement et de perte de soi, ou de ce qu’il en reste. Et pourtant ces textes ne parlent pas d’un monde malheureux mais médiocre, raté, en déconstruction permanente, dont le chantier est à ciel ouvert et où les êtres tombent sans un cri.

De texte en texte l’auteur fore de plus en plus profond cette sorte de sidération que ses personnages ont pour les vies gâchées, le mépris de soi et des autres, surtout des femmes qu’ils prétendent aimer alors qu’ils forniquent sans joie. Ces situations reviennent sans cesse dans Hypertextuel : c’est la chasse aux performances inachevées,  la déréliction permanente , la vodka, les cigarettes, les aubes épuisées et froides et une solitude que l’auteur parvient à nous laisser entendre comme étant finalement une des formes de l’enfer domestique (ce « cauchemar climatisé » dont parlait Henri Miller) qui tord une partie de la population mondiale incapable d’échapper aux injonctions de la moelle épinière pour atteindre un lobe plus ou moins construit du cerveau.  Ce sont, non des désirs, mais des besoins de jouissance immédiate qui manipulent ces êtres de l’instant.

C’est de cette humanité-là que les récits d’Éric Neirynck sont faits. Une humanité désolée qu’il tente d’approcher de diverses manières. N’a-t-il déjà, à travers ses personnages, et dans un opus récent, déclaré J’ai un projet : devenir fou ?  Par ailleurs, il ne cesse de raconter son admiration pour Charles Bukowski et la suite des écrivains tragico-comiques des ruines de la société américaine et, globalement, de ce que l’on pourrait appeler le néant dilaté.

Les personnages d’Hypertextuel sont ballottés dans des relations médiocres et sans le battement de cœur qui fait qu’une femme ou un homme peut atteindre quelque chose qui lui est supérieur, l’au-delà du désir. Le tout dans une écriture fluide, répétitive même dans certaines situations, comme si très consciemment, les personnages qu’il met en scène connaissaient déjà l’impasse dans laquelle ils se sont inéluctablement engagés. En une dizaine de récits, Éric Neirynck présente cette forme de l’enfer qui brûle à température modérée, juste suffisante pour cuire ad vitam les victimes de ces illusions de faux « perdants magnifiques » (Leonard Cohen).

L’intérêt de ce livre est probablement aussi de rendre absolument normales, c’est-à-dire majoritaires, les vies patibulaires de notre société du non-réel, de la non-matière, de la disparition de l’homme derrière ses icônes et ses identités numériques.

Mais d’un coup, Éric Neirynck fait surgir soudain des sortes de marionnettes angéliques et maladroites des dessous du récit, comme si une magie retorse, une forme de spiritualité déchue, une « main invisible » travaillait encore, malgré lui, l’homme contemporain.

Les fables du désenchantement sont souvent les plus difficiles à écrire alors qu’elles sont souvent la bordure de l’homme ridicule, de cet homme petit et pitoyable qui ne prend consistance que dans la corrida impitoyable que se livrent les hommes aveuglés par la pathétique pitié d’eux-mêmes. Elles sont probablement, ces fables, des bornes le long de la frontière entre le désir d’absolu et le dégoût de soi.

En ce sens aussi, les récits de ce livre sont des lucioles avant extinction, des signes d’alerte que la littérature tente encore de lancer dans l’embrouillamini du monde.

Dans ces moments d’errance, les personnages d’Hypertextuel cherchent encore les petites voies, les chemins de traverse, les frises des gouffres, comme des « Gaspard » échappés d’un romantisme ancien et entrés dans un univers de surdité commune.

Daniel Simon - Le Carnet et les Instants