Le ventre idéal #63

€4.00

Opuscule #63

Auteur : Adeline Dieudonné

Titre : Le ventre idéal

Collection Opuscule

Parution : Vendredi 9 novembre 2018

ISBN : 978-2-87595-169-4

Prix : 4€

Disponible également en format numérique sur toutes les plateformes

Je n’avais jamais joui avec mon mari.

Il y avait la maison de mes beaux-parents. Une maison rose. Ça je m’en rappelle. Elle était rose et elle sentait le désinfectant. Roger et Marie aussi. Ils étaient gentils. Enfin, je crois qu’ils étaient gentils. Je ne sais plus. Ils avaient un chat sans poils très moche. Géranium. Il était moche et son nom était moche. Mais ça je ne pouvais pas le dire à Olivier. Olivier c’était le fils de Roger et Marie. C’était mon mari. 

Adeline Dieudonné est née en 1982. Elle habite Bruxelles. Romancière et actrice, elle a remporté grâce à sa première nouvelle, Amarula, le Grand Prix du concours de la Fédération Wallonie-Bruxelles en 2017.

La même année, elle a publié aux éditions Lamiroy un opuscule, Seule dans le noir, et une pièce de théâtre, Bonobo Moussaka.

La Vraie Vie, son premier roman, paraît aux éditions L’iconoclaste en 2018.

Les 500 premiers mots :

Je n’avais jamais joui avec mon mari.

Je l’aime. Vraiment.

Mais je crois que quelque chose a déraillé à un moment.

Je ne sais plus.

Il y avait la maison de mes beaux-parents. Une maison rose. Ça je m’en rappelle. Elle était rose et elle sentait le désinfectant. Roger et Marie aussi. C’est comme ça qu’ils s’appelaient, mes beaux-parents. Roger et Marie. Ils étaient gentils. Enfin, je crois qu’ils étaient gentils. Je ne sais plus. Ils avaient un chat sans poils très moche. Géranium. Il était moche et son nom était moche. Mais ça je ne pouvais pas le dire à Olivier. Olivier c’était le fils de Roger et Marie. C’était mon mari. La peau de Géranium était grise et fripée. 

Roger pétait. Dans son pantalon en toile beige qu’il portait haut, la ceinture juste sous les côtes. Marie et Olivier faisaient mine de ne pas le remarquer mais il pétait, avec le naturel et la décontraction d’un enfant de deux ans. Merde. Ces choses-là peuvent arriver mais on s’excuse. On rougit un peu, on se tortille, on invoque des problèmes intestinaux, je sais pas. Et la complicité des deux autres. Ce silence. J’avais fini par penser que c’était une conspiration contre moi. Une forme de coalition compacte entre père, mère et fils.

J’avais lutté. Vraiment.

Olivier ne m’avait pas présenté ses parents. C’est Roger et Marie qui m’avaient présenté Olivier. D’habitude c’est plutôt dans l’autre sens que ça se passe. J’ai d’abord rencontré Marie. A l’institut de beauté. Je lui faisais le maillot. Intégral. C’est pas très courant chez les dames de 70 ans. Mais elle me racontait que son Roger était encore « très actif sexuellement » et qu’il avait ses « exigences ».

« Allez bien jusque derrière, Roger adore l’anulingus. »

Ça ne me dérangeait pas, j’avais l’habitude que les clients me fassent des confidences.

Je crois qu’elle s’était prise d’affection pour moi. Au moment de payer, elle disait toujours à ma patronne « Vous avez de la chance de l’avoir, c’est une gentille fille, bien propre. » Je me sentais comme un épagneul breton qu’on caresse entre les oreilles.

Elle m’a parlé de son fils, Olivier. Un gynécologue, comme elle et comme Roger. Elle m’a proposé de venir déjeuner chez eux un dimanche. Moi je me sentais seule. J’avais 36 ans et j’étais toujours célibataire. Au début ça ne m’avait pas dérangée. Et puis, je sais pas, avec le temps j’ai commencé à voir le célibat comme une forme de handicap.

Alors quand Marie m’a parlé de son fils, je me suis dit que c’était peut-être ma chance et que je ne devais pas la rater.

 

Je suis arrivée avec un peu d’avance ce dimanche-là. J’avais mis ma robe longue en coton beige, boutonnée devant.

La maison était plutôt jolie de l’extérieur, dans une belle avenue bordée de cerisiers du Japon. Le jardin sentait la feuille morte.

C’était pas loin de chez moi, pas loin de l’institut de beauté. C’était pratique.

J’ai sonné. C’est Roger qui a ouvert. (...)

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