Pauvre Baudelaire ou les Fleurs du mal dire

€20.00

Pauvre Baudelaire ou les Fleurs du Mal dire

Auteur : Francis Lalanne

Préface de Véronique Bergen de l'Académie Royale de Belgique

ISBN : 978-2-931008-30-0

Prix de vente : 20 € 

Disponible également en format numérique sur toutes les plateformes

Parution le 7 mars 2020

215 pages

Francis Lalanne, écrivain, chanteur, acteur, danseur, artiste aux mille facettes, écrit de la poésie depuis l’adolescence. Grand prix de poésie de l’académie des poètes français, il compte, parmi ses grands succès littéraires, Le Roman d’Arcanie (Belles Lettres, 1993) et D’amour et de mots (Belles Lettres, 1997) qui lui a valu le prix de poésie Tristan Tzara 1997. Pauvre Baudelaire est son 7ème recueil de poèmes.

4 avril 1864, Charles Baudelaire n’a plus que trois ans à vivre. Mais il ne le sait pas...

Usé, ruiné, désabusé, il quitte une France acariâtre qui veut le diaboliser. Par jugement du tribunal, six poèmes des Fleurs du mal ont été censurés puis interdits à la publication en juin 1857.

Baudelaire quitte Paris pour une Bruxelles accueillante où, sous l’impulsion du graveur namurois Félicien Rops, est publiée une version intégrale et illustrée des Fleurs du mal.

Mais Baudelaire, condamné par sa disgrâce française à cet exil bruxellois, ne parvient pas pour autant à obtenir de son public d’accueil la reconnaissance littéraire et le succès financier qu’il escomptait. Dès lors, il va nourrir contre les Belges et la Belgique une rancune irréconciliable.

Ivre d’amertume et de déception, il passera les deux dernières années de sa vie à rédiger des poèmes haineux envers ce pays à qui il devra pourtant sa postérité. Poèmes haineux envers son peuple, envers ses femmes, envers son roi.

Ces poèmes feront l’objet d’un recueil posthume intitulé Amœnitates Belgicae (Pauvre Belgique), un recueil qui, selon Francis Lalanne, déshonore son auteur et participe dans le monde intellectuel à la condamnable institution de la société du « mal dire ».

En réponse à Baudelaire, Francis Lalanne veut dénoncer les effets et les causes de la malveillance par le verbe ; celle notamment qui menace le monde de la communication. Mais au-delà de la condamnation du « mauvais génie », il veut surtout exprimer l’amour sincère et profond qu’il nourrit pour le peuple belge et la Belgique qu’il considère depuis toujours comme une patrie d’adoption.

Préface par Véronique Bergen :

La réponse de Francis Lalanne à Baudelaire


Cent cinquante-six ans après la rédaction du pamphlet inachevé, Pauvre Belgique — lequel sera publié de manière posthume —, Francis Lalanne rédige une réponse à Baudelaire. Auteur, chanteur, compositeur, acteur, militant écologique français qui se sent « Belge dans l’âme », qui a habité de longues années Grand-Place à Bruxelles et dans d’autres villes belges, Francis Lalanne déroule une vertigineuse lettre en vers rimés octosyllabiques qu’il adresse au poète du spleen, au chantre des correspondances .

La fureur de ton, la virulence acariâtre qui caractérisent le pamphlet Pauvre Belgique, Francis Lalanne les rapproche de l’infamie des pamphlets de Céline. Mais, dans ces pages ivres de fiel, de ressentiment à l’égard d’un pays dans lequel Baudelaire a cru se refaire une gloire, il lit surtout un autoportrait. Comme une projection de l’agonie que traverse Charles Baudelaire dès 1864, année de son arrivée à Bruxelles, jusqu’à sa mort à Paris en 1867. En 1857, année de leur parution, Les Fleurs du mal se virent condamnées pour outrage aux bonnes mœurs ; six poèmes seront censurés. Au « prince des nuées », au dandy mondain, à l’explorateur des paradis artificiels, Francis Lalanne écrit un réquisitoire qui, s’il s’ouvre sur la colère et se clôt par une condamnation, se module par moments en compassion.

« Et ce n’est pas sans fondement,
Moi, que j’œuvre à ton châtiment !
C’est pour que ton mauvais génie
Ne demeure plus impuni ».

Porté par un souffle empruntant bien des tonalités, bien des registres (lyrique, cru, métaphysique, ironique), le poème Pauvre Baudelaire dépeint la trajectoire du poète de génie, la métamorphose du jeune poète-albatros ambitionnant de spiritualiser le mal en un vieil albatros maudit.

Accablé de dettes, rongé par la déception, bientôt par la syphilis, Baudelaire débarque le 24 avril 1864 en Belgique où il restera deux ans. Les conférences que donna le poète à Bruxelles furent un fiasco. L’aigreur née de l’échec se retourne en un déferlement de bile à l’encontre de son pays d’accueil et de ses habitants. La plume de Francis Lalanne tournoie, virevolte dans des octosyllabes taillés dans le vif-argent. L’art de la versification tient de l’escrime. Le XIXe siècle s’est trompé de cible : si le procès intenté aux Fleurs du mal — un joyau poétique des Lettres françaises —, fut une infamie, il convient au XXIe siècle d’ouvrir un autre procès, littéraire et non juridique, à l’encontre de Pauvre Belgique, des épigrammes composant Amoenitates Belgicae. Les principaux chefs d’accusation que soulève Francis Lalanne ? Le mal dire, la médiocrité d’un rimailleur semant des vers de mirliton, la trahison de l’art poétique, l’usage du verbe afin de faire le mal, d’épandre une piètre alchimie fielleuse. Pauvre Baudelaire répond à une « œuvre née de la haine », taillée dans la haine de l’autre — le Belge —, miroir de la haine de soi. Composé de notes, de brouillons, le recueil Pauvre Belgique incarne les « je suis la plaie et le couteau ! (…) Et la victime et le bourreau ! » évoqués dans le poème L’Héautontimorouménos (« le bourreau de soi-même »). En frappant la Belgique, c’est lui-même que Baudelaire damne, disant adieu au magicien du Verbe qu’il a été. Dans sa cervelle, ce n’est plus « un beau chat, fort, doux et charmant » qui se promène (Le Chat) mais un ressentiment paroxystique qui prend pour cible la Belgique.
Mais, au fil du poème que Francis Lalanne rythme en une vingtaine de chants, au blâme liminal et final porté sur Baudelaire, se noue un combat plus large contre ceux qui font profession de médire. La fin de non-recevoir adressée à un dandy exténué, exilé parmi les hommes, qui dessèche son inspiration dans un pamphlet atrabilaire, s’étend à ses suiveurs, à ses émules confits dans l’anathème.

Ce n’est nullement en tant que Commandeur, en tant que procureur des Arts et des Lettres que Francis Lalanne se dresse face à Baudelaire. Il ne met pas ses pas dans le poème baudelairien Don Juan au enfers. L’énergie secrète qui anime cette épopée poétique a pour noms l’amour de Francis Lalanne pour la Belgique, la passion éprouvée pour de nombreuses femmes résidant en Belgique, mais aussi la fascination pour l’autre Baudelaire, à savoir l’explorateur de l’extase et du gouffre, qui fit souffler un vent nouveau sur la poésie, le critique d’art, le découvreur de Delacroix, le diariste (Fusées, Mon cœur mis à nu), le pionnier du poème en prose, le précurseur du vers libre.
Sous la pulsation des octosyllabes, s’agite la question « pourquoi ? ». Pourquoi le poète qui écrivait « j’ai pétri de la boue et j’en ai fait de l’or » a-t-il délaissé, voire inversé son alchimie ? Comment en est-il venu à précipiter l’or d’une jeune nation belge née en 1830 dans la fange cloacale de la détestation ? Comment celui qui a révolutionné la tradition poétique, ouvert la voie de la poésie moderne, fait danser le vers, a-t-il pu s’embourber dans une œuvre médiocre, abjecte en son fond, bancale en sa forme ?

« La sottise, l’erreur, le péché, la vermine [qui] occupent nos esprits et travaillent nos corps » (Au lecteur), Francis Lalanne les décèle dans Pauvre Belgique, un recueil placé sous le signe du démon de la destruction et de la dernière danse macabre à laquelle s’adonne le poète. « Il y a dans tout homme, à toute heure, deux postulations simultanées, l’une vers Dieu, l’autre vers Satan. L’invocation à Dieu, ou spiritualité, est un désir de monter en grade, celle de Satan, ou animalité, est une joie de descendre » écrivait Baudelaire. Qui construit sa poétique sur « la double postulation » abrite en lui et Abel et Caïn.
C’est en poète que Francis Lalanne s’adresse au grand rénovateur du sonnet, au sondeur de l’abîme, à un Baudelaire hanté par l’Idéal, déchiré entre l’extase et l’horreur, entre la beauté et le péché, entre la divinité de l’Ennui et l’impossible voyage vers l’Ailleurs.
Que soit honni celui qui s’est mis à honnir un pays, un peuple, un roi. Au-delà de la personne de Baudelaire, le plaidoyer vibrant pour un verbe libre qu’entonne Francis Lalanne dénonce combien la poésie abdique, se fait hara-kiri et trahit ses puissances lorsqu’elle se met au service de la haine. Pas plus qu’il n’y a d’esthétique du maldire, du médire, il n’y a à exonérer les apôtres d’une métrique de la haine. Quiconque trempe sa plume dans l’encrier de la détestation (d’un peuple, d’une communauté…) est comptable des crimes qu’il autorise. En écho au célèbre « tu n’as rien vu à Hiroshima », Francis Lalanne apostrophe Baudelaire en lui lançant « tu n’as rien vu à Bruxelles, en Belgique ». L’aventure belge de Baudelaire se plaça sous le signe de la non-rencontre.
L’on raconte que dans Pauvre Belgique, ce libelle « belgophobe » comme l’énonce Jean-Baptiste Baronian, Baudelaire faisait ses gammes avant de s’atteler à une diatribe contre la France.
C’est à l’hôtel Amigo près de la Grand-Place que Francis Lalanne rédigea ce livre. Un lieu qui, avant d’être un hôtel, abrita une prison où séjourna Verlaine après le coup de feu qu’il tira sur Rimbaud. L’attendu de Francis Lalanne tombe : les contempteurs du genre humain qui torpillent la poésie afin d’en faire le véhicule de la guerre, de la haine, massacrent, en sus de leur cible, la poésie elle-même. Par-dessus tout, ce livre est porté par une mélodie entêtante : une déclaration d’amour à la Belgique.

Véronique Bergen

 

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