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Mario Guccio, le chanteur du groupe belge Machiavel, est décédé. January 21 2018

Marc Ysaye souligne sa "renversante facilité à composer" : "Il pouvait écrire 40 chansons en une semaine. Mario était extrêmement attentif au texte, attentif à ce qu'on disait, à ce qu'on ne disait pas. D'ailleurs sur les trois dernières années de sa vie il a écrit plusieurs livres car il avait encore des choses à dire. C'était un artiste complet."


Coucou t'es là + Transferts accidentels : un double livre de Mario Guccio (Machiavel) September 22 2016

Mario Guccio, alchimiste de la vie et de l’amour fou 

On croyait tout savoir de Mario Guccio. On croyait bien le connaître depuis le temps… Bien sûr qu’il y eut un avant-Machiavel, le groupe bruxellois que ce natif de Herve, dans l’est de la Belgique, a rejoint en 1977, trois ans et un album après sa formation. Sous le nom de Julien Gall, il publiait un 45 tours au titre prémonitoire : « Promesse ». Qu’il tiendra de fort belle façon après avoir fait ses classes dans des groupes locaux comme les Tigers, à l’âge de 14 ans, Schizo Free, les Wally’s ou Beethoven.

Mais cela n’est que préhistoire car c’est bien avec Machiavel que le Sicilien d’origine a marqué l’histoire du rock belge. Notamment en étant le chanteur du premier groupe belge à remplir Forest National en 1979 et 1981, à l’époque la plus grande salle du pays.

On croyait tout savoir de lui. L’épicurien amoureux de la vie et forcené de travail qui trouve dans l’adversité l’énergie et le don pour se surpasser.

Il y eut d’abord ses problèmes de santé, lui dont le cœur explose de générosité et d’amour. Ce qui ne l’empêche pas de fonder avec son complice Roland De Greef le label Monzoo pour venir en aide aux jeunes pousses. Rien ne l’arrête, notre Mario. Il tient bien de son père qui, à 11 ans, descendait dans la mine. Les allers-retours Herve-Bruxelles font partie de son quotidien depuis toujours, car l’homme au cœur d’or a son jardin secret, avec Angie, sa muse, et leur fille chanteuse Isabelle dont il est si fier.

Il était écrit que la vie ne lui ferait aucun cadeau : en février 2014, après 41 ans de mariage, Angie, sa belle, s’en va après avoir mené un long combat contre la maladie. Noyé de chagrin, Mario s’abrutit dans le travail, écrit Link, un album solo qu’il dédie à la défunte, et puis Aveux soumis, son premier roman publié la même année à compte d’auteur.

Car oui, on connaissait l’auteur de chansons, qu’il défend de cette voix à nulle autre pareille, on connaissait la bête de scène qui prend tant de plaisir à rouler ses yeux exorbités pour nous faire peur. On découvre l’âme tendre et cruelle du romancier. Aveux soumis est un ballet trouble que mènent Pierre et Hélène, qui s’aiment, avant de rencontrer Fauve, femme fantasme qui les aimera tous les deux.

Ce jeu de l’amour et des fausses apparences, Mario le réitère dans Coucou, t’es là ?, une nouvelle qui met cette fois en scène Adrien et Elisa. Adrien, au « visage repoussant de laideur, (…) au faciès difforme » et Elisa, « une magnifique panthère noire aux yeux d’un bleu profond », rencontrée via Facebook. Histoire d’amour irréelle que le réseau de la virtualité rend possible. Une fois de plus, Mario s’amuse au jeu du chat et de la souris, de la séduction et de la sensualité trouble. Orfèvre des sentiments entiers, l’auteur s’enivre de dialogues cash, qui vont droit au cœur sur un rythme trépidant qui débouche une fois de plus sur une chute, une issue inattendue. La morale de ces histoires ? Ne jamais se fier aux apparences…

Dans Transferts accidentels, ensuite,  Mario Guccio nous emporte dans un autre monde aux lignes floues. Un monde où en quelques secondes, on devient quelqu’un d’autre, on est transporté, transféré dans un autre corps. Là encore, là aussi, Mario se joue de nous, posant la question la plus essentielle d’une vie : qui suis-je ? Toujours sur le ton du jeu et de l’humour, de la perversité assumée qui n’est pas exempte de surréalisme, dont tant la Sicile que la Belgique sont des terres de prédilection.

Aveux soumis, Coucou t’es là ? et Transferts accidentels… Trois mets de choix, trois entrées savoureuses avant le plat de résistance : Max.

Cette fois, c’est Max Sens, qui « rêve des rêves jamais rêvés », et So, « une longue chevelure ondulée qui orne un visage aux traits fins, sertis de grands yeux verts teintés d’une touche de couleur miel », qui vont mener le bal de l’amour fou. Mais le monde, une fois de plus, n’est que surprises, surtout quand espace et temps vous jouent des tours.

Science-fiction que tout cela ? Peut-être mais pas seulement. Chez Guccio, les apparences sont toujours trompeuses et son lecteur est pris dans ses filets virtuels programmés pour nous leurrer. Dieu, l’Apocalypse et l’Amour Absolu ne sont jamais loin mais il n’y a là rien de rassurant car l’auteur prend un réel plaisir à nous promener dans son monde imprévisible. Et on prend, à notre tour, énormément de plaisir frissonnant à vouloir en sortir pour mieux encore nous y plonger. Mario Guccio est un alchimiste de la vie et de l’amour fou, un maître à jouer aux dés des passions brutes. On croyait le connaître. On le découvre et on jubile !

Thierry Coljon