Les Fourmis ont 30 ans : L'article du mois ? Bernard Werber! February 02 2021
photo (c) Bernard Werber - www.bernardwerber.com
« Il est relativement facile d’écrire un premier livre », déclarait le formaliste russe Victor Chklovski. Il n’imaginait certes pas que l’auteur passerait douze ans à décrire le monde des fourmis mais cela conforte sa théorie selon laquelle l’écrivain est toujours prodigue dans son premier livre. Heureusement, pour le deuxième, pour le troisième, pour le trentième livre, Bernard Werber pouvait compter sur la méthode qu’il avait mise en place et dont Jérémy Guérineau nous relate la découverte progressive. Il établit une caractéristique commune à tous les textes de Bernard Werber : « le changement de point de vue », une variante de « l’étrangisation », le principe élémentaire du procédé artistique selon Chklovski. L’art doit mener une guerre contre « l’algèbre », contre le fait que nous reconnaissons les choses sans les connaître. Le changement de point de vue est un des procédés grâce auxquels nous cessons de voir les choses comme nous avons l’habitude de les voir. À la lecture de l’article de Jérémy Guérineau et au souvenir de mes nombreuses lectures des romans de Bernard Werber – livres des années 90 et 2000 aussi incontournables pour le futur étudiant en philosophie que « Le monde de Sophie » – je perçois bien que la pratique du changement de point de vue ne peut être réduite chez cet auteur à un simple procédé artistique. L’intérêt pour le monde des fourmis n’est pas exclusivement une volonté de trouver une nouvelle manière de voir le monde des hommes, il exprime avant tout un désir de rencontrer les fourmis, de ressentir leurs besoins, d’être auprès d’elles. « Plus de conscience, plus de connaissances », telle est la devise de cet écrivain qui utilise son amour du réel comme moteur de ses recherches et de son imaginaire.
Maxime Lamiroy
extrait
Certains noms d’artistes sont parfois indissociables de leurs œuvres. Quel que soit le nombre de travaux que cette personne crée ou a créé, leur nom est associé à leur œuvre. Parfois même au simple nom d’une création, d’une créature.
Ainsi, si lors de votre prochain repas de famille qui se transforme en Trivial Pursuit, on vous demande de nommer une histoire que Bram Stoker a écrite, sauriez-vous répondre ? Et si on vous interdit de citer son « Dracula » ? Mary Shelley sans son « Frankenstein » ? HP Lovecraft sans « Cthulhu » ? Œuvre et créateur deviennent facilement inséparables.
Et si on vous demande quel auteur vous évoque le sujet des fourmis, le nom qui vous viendra probablement à l’esprit sera celui de... Bernard Werber !
Le thème des fourmis fait alors référence à son premier roman, tout simplement appelé « Les fourmis », et qui, étant sorti le 14 mars 1991, va fêter son trentième anniversaire.
Le nom de Werber est depuis devenu indéniablement lié au nom de ce petit insecte vivant en colonies. Et pourtant, il est réducteur de penser que l’œuvre littéraire de Bernard Werber, composée d’une trentaine de livres et romans, se limite aux fourmis.
C’est, néanmoins, l’histoire qui a lancé sa carrière. La carrière d’un romancier, souvent considéré comme auteur de science-fiction, mais qui se décrit davantage comme un auteur de philosophie-fiction. Puisque sa spécialité, ou du moins sa particularité, si l’on veut, est qu’il se focalise sur le changement de point de vue.
Que l’intrigue et l’histoire soient présentées du point de vue des fourmis et des humains envers ces petites créatures. Des humains vis à vis de la mort et ce qui peut se trouver après. Des anges envers les humains, et réciproquement. Des dieux envers les humains. Des extra-terrestres vers ces étranges créatures que sont les humains. Du rapport des chats aux hommes et ce qu’il se passerait si une pandémie devait se répandre sur la terre... et bien d’autres changements d’angle.
Bernard Werber, ancien journaliste scientifique, explore également des territoires méconnus : la question du génome humain et de l’évolution ; du cerveau humain ; de l’origine du rire ; du passé de l’humanité ; ce que peut penser Gaia, par rapport à ces nombreuses créatures qui pullulent sur la planète et ont l’audace d’extraire son sang ; l’exploration de l’espace puisque nous causons des dommages irréparables à notre unique et seule planète ; la prévision de l’avenir ; le sommeil ; l’au-delà ; les vies antérieures.
« Ce qui m’intéresse, c’est l’homme. La vraie question c’est ‘ Qui je suis ? Qui sont ces êtres qui sont autour de moi ? ’ Et ce que j’ai trouvé comme principe pour comprendre qui est l’homme, c’est l’utilisation d’un regard extérieur. Avec des animaux on peut mieux parler de l’homme et on peut mieux comprendre ce qu’est l’homme. »
Le mois prochain :